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Chronique mathématicienne #6

Publié le 07/12/2025

Wang Zehnyi 1768-1797 chinoise

Le désir de toi

Les oies sauvages migrent vers le sud.
Le voyageur peine à rentrer.
Les lettres arrivent toujours en retard.
Le chagrin semble sans fin.
Le vent du matin hurle.
Les étoiles du matin sont rares.
Je rêve de chez moi, mais le doute persiste au réveil.
Le coq du voisin chante .

Ce poème est de la plume de Wang Zhenyi. Cette jeune femme discrète et délicate a été, à une époque où ce n’était pas du tout l’usage pour une femme, mathématicienne, astronome, féministe et poète.

Les débuts

Wang Zhenyi est née à Jiangning en Chine (actuellement Naskin), sous la dynastie Qing. C’est un système féodal qui a duré de 1644 à 1912. Néanmoins, en particulier au 18ème siècle, qui nous intéresse, c’est une période de paix et de prospérité, avec une maîtrise technique supérieure à celle des pays européens. Les contacts avec « l’étranger », en particulier avec les pères jésuites, après avoir connus une période favorable avec l’Empereur Kangxi ( fin 17ème, début du 18ème), ce qui a permis l’introduction d’ouvrages occidentaux en Chine, redeviennent proscrits avec son successeur Yongzheng qui règne de 1723 à 1735. Son fils prendra la suite sous le nom de  Qianlong et règnera de 1735 à 1796, donc pendant la vie de Wang Zhenyi. C’est une période de paix et de prospérité certes, mais pas de liberté, surtout pour les femmes.

À cette époque, les femmes sont soumises à leur père pendant leur enfance, à leur mari ensuite et à leur fils en cas de veuvage (on ne sait pas ce qui se passe si il n’y a que des filles…)

Wang Zhenyi a la chance d’avoir un grand-père et un père ouverts d’esprit, érudits, reconnaissant et encourageant l’intelligence de Wang Zhenyi. Sa grand-mère est une femme de lettres, poète. Il n’est pas fait mention de sa mère.

Enfant, elle adore lire et profite largement de la magnifique bibliothèque de son grand-père, Wang Zhefu. Il lui enseignera l’astronomie et les mathématiques. Son père Wang Xichen lui enseignera quant à lui la géographie et la médecine et également les mathématiques. Sa grand-mère Dong, la poésie.


Au décès de son grand-père, en 1792, elle se rend avec son père dans la province de Jiling, au Népal et y reste 5 ans. Elle pratique les arts martiaux et l’équitation en compagnie de Aa, la femme d’un général mongol.

Voyage initiatique

A l’âge de 16 ans, elle part avec son père pour un long voyage qui les mène jusqu’à la capitale. Au cours de ce voyage elle est frappée par les injustices et les inégalités, ainsi que par la condition des femmes qui sont (en général) privée d’éducation. Elle deviendra une fervente défenseure du droit des femmes, notamment du droit à l’éducation.

Les hommes et les femmes sont tous faits de chair et d’os.
Où donc se trouve la différence ?
Pourquoi traiter les femmes comme inférieures ?

Son travail

De retour à Jiangning, elle rencontre des femmes lettrées qui lui enseignent à leur tour l’astronomie. Elles échangent leurs créations poétiques.

Mais elle apprend également par elle-même, en étudiant, complétant, réécrivant des traités mathématiques. Elle a le souci de rendre les mathématiques et les sciences accessibles au plus grand nombre, en particulier aux femmes.

A l’âge de 24 ans, elle vulgarise les principes de calcul du mathématicien chinois Mei Wending, et propose de nouvelles méthodes de pour effectuer des multiplications et divisions, plus simples. Elle travaille la trigonométrie et le théorème de Pythagore.

À 25 ans, elle se marie avec Zhan Mei et continue de travailler. Ce qi nous laisse imaginer son mari ouvert d’esprit et leur relation heureuse. Elle écrit beaucoup de poésies, à caractère social et militant, dénonçant les inégalités sociales, et de genre, et d’autres plus mélancoliques.

Elle a accès aux textes scientifiques occidentaux, aux textes chinois évidemment et continue ses propres recherches. Cette ouverture lui permet de faire des découvertes importantes.

Elle prend conscience du phénomène des éclipses et imagine un système fait avec des boules, des lampes et des miroirs pour l’expliquer.

Elle travaille également sur les différents types de calendrier, en particulier sur leur point d’origine.

Elle réfute le concept de « terre plate » dans un article intitulé « théorie de la rotondité de la terre ».

Cette jeune femme a donc compris, essentiellement seule, bien avant ses,contemporains, les concepts de l’astronomie moderne.

Elle est devenue célèbre de son temps par toutes ses publications, poétiques et scientifiques, et par son enseignement. En effet, elle transmet ses connaissances et découvertes, aussi bien à des hommes qu’à des femmes, et en particulier aux classes sociales défavorisées, servantes, paysans.

Le leg

Elle tombe malade, sans doute de malaria. Elle trie alors avec son mari ses papiers, et n’en conserve qu’une petite partie. Par peur de la censure ? Par souci de laisser un travail propre ?

Elle fait promettre à son mari remettre ces papiers en de bonnes mains après sa mort, qui survient à l’âge de 29 ans. Elle n’a pas d’enfant.

Ses différents articles, poésies, traités parviennent à une de ses amies lettrées, Mme Kuai, qui les remet plus tard à son neveu, Qian Yigi, un savant célèbre. Celui-ci en publie un certain nombre, en particulier « les simples méthodes de calcul ». Il dit à son propos que c’est la « femme la plus érudite de Chine après Ban Zhao ». Ban Zhao, dont les dates sont approximativement 45/49-117/120. Ça ne date pas d’hier.

La plupart de ses textes se sont perdus, il reste des recueils de poésies, des textes en astronomie et mathématiques, dont la grande majorité ne sont pas traduits.

Un cratère de la planète Vénus porte son nom.

Ce qui me frappe c’est que l’on sait assez peu de choses d’elle en définitive, en tout cas dans les archives traduites. Quel était son caractère ? Quelles obstacles a-t-elle rencontrés pour mener à bien ses études ? En a-t-elle rencontrés d’ailleurs ?

Elle laisse un poème exprimant ses difficultés dans l’étude et la recherche :

Il y a eu des moments où j’ ai posé ma plume et soupiré.
Mais j’adore le sujet et je n’ai jamais renoncé.

Tout porte à croire qu’elle a pu trouver auprès de ses grands-parents, de son père puis de son mari, un milieu favorable, qui a non seulement décelé ses qualités intellectuelles mais les a largement nourries et permis de les développer. Bien que née dans un milieu favorisé, elle a été rapidement, par ses voyages et sans doute sa grande sensibilité, touchée par les inégalités sociales et par l’injustice du sort réservé aux femmes. Elle a fait le maximum pour enseigner les sciences au plus grand nombre.

Divination : Soir d’été

Après la pluie, la fraîcheur du soir s’installe,
Ma robe ondule légèrement sous la brise.

Je cueille une fleur de jasmin dans la cour,
Ses vrilles délicates s’entrelacent aux tiges.
Avec un éventail rond en feuilles de bananier,
Je m’assieds paisiblement près de l’étang aux lotus.
En détachant une graine humide de sa cosse,
je découvre la vie nouvelle qu’elle renferme.

Mes sources

Wikipédia

https://sites.google.com/view/numbersandnarratives/a-feminist-genealogy-of-automathographies/wang-zhenyi/archival-sources

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